Une décapitation au coeur de la cité, au pied de la tour de l'Île : l'exécution de Philibert Berthelier demeure l'un des événements marquants de l'histoire genevoise. Un focus sur l'instant ultime précédant le geste qui sera fatal au héros genevois et un cadrage resserré qui accentue la violence du drame qui se perpétue sous nos yeux.
La technique de pose des couleurs de cet émail translucide sur cuivre s'apparente à celle développée par les émailleurs de Limoges dès les débuts de cet art : les contours sont chargés, les pleins molletonnés, augmentant la vibrance de la scène. Nous reconnaissons dans le dessin de Jean Henri Demole (1879-1930), le style également exploré par Édouard Elzingre (1880-1966) pour ses illustrations de sujets d'histoire.
Et, à propos de Philibert Berthelier, l'un des pères de l'indépendance genevoise, le héros avait une mascotte: un examen attentif du flanc gauche de la statue érigée Place Bel-Air vous permettra de découvrir le bas-relief d’un petit mammifère sculpté dans la pierre du socle. Il s’agit d’une belette, son véritable animal de compagnie, dont différentes sources nous racontent l’histoire. Il s'était tissé un lien entre l’homme et la bête et cet attachement valut au premier le sobriquet de l’Homme à la belette. Il l’avait constamment dans sa poche, il l’aimait beaucoup et en marchant jouait avec elle. Le jour de l’arrestation de Berthelier, on raconte la présence du petit animal en ces mots : "Le lundi, vers six heures du matin, il se rendait à son jardin, caressant sa belette, lorsqu'il rencontra sur son chemin le Vidomne accompagné d'un certain nombre de soudards de l'Evêque […]" Berthelier comprit que son heure était venue, il pâlit, mais ne trembla pas. Il portait en son sein une petite belette familière "qu'il avait en délices" ; insouciant et jouant avec la pauvre petite bête "pour la plus grande mesprisance de ses ennemis", il marcha droit, haut de tête et de cœur, vers les soudards de l'évêque. Il pâlit mais ne trembla pas, maîtrisant sa peur grâce à son inséparable compagnon, qui le suivit probablement – mais l’histoire ne le dit pas – jusque dans ses derniers instants...